24 janvier 2019 - 10:06
Trudeau talonné par les citoyens à Saint-Hyacinthe
Par: Rémi Léonard

Robert Marquette a été l’un des premiers à poser une question au premier ministre, abordant le thème de l’environnement. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Robert Marquette a été l’un des premiers à poser une question au premier ministre, abordant le thème de l’environnement. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Malgré les remarques parfois cinglantes, Justin Trudeau a gardé son calme tout au long de l’assemblée. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Malgré les remarques parfois cinglantes, Justin Trudeau a gardé son calme tout au long de l’assemblée. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Justin Trudeau a eu droit à une drôle d’ambiance à son passage à Saint-Hyacinthe pour une réunion citoyenne, l’assistance comportant autant des opposants que des sympathisants libéraux. Cette dualité s’est affichée de manière très concrète dès les premières secondes, alors que l’arrivée du premier ministre dans la salle a déclenché des applaudissements en même temps que des huées, une scène qui s’est répétée quelques fois par la suite au cours de la soirée.

Les questions posées au premier ministre, parfois incisives, ont porté sur un large éventail de sujets, dont l’environnement, l’immigration, les accords de libre-échange, l’économie et la réforme du mode de scrutin. Plus de 200 personnes assistaient à l’exercice. Malgré la capacité restreinte de la salle comparativement aux autres arrêts du premier ministre à travers le pays, tous les intéressés ont pu entrer au centre communautaire des Loisirs Saint-Joseph.

D’entrée de jeu, Justin Trudeau a tenté de calmer les esprits avec un appel au respect de tous, mais il a tout de même été raillé et interrompu à plusieurs reprises par des membres du public plus turbulents. Certains ont même quitté la salle pendant l’assemblée, parfois avec fracas. L’un d’eux, arborant un gilet jaune, s’est levé pour dénoncer que le sujet de l’immigration n’avait pas encore été abordé dans les discussions. Il a annoncé son départ avant d’être escorté vers la sortie. À l’extérieur, une manifestation du groupe La Meute rassemblait quelques dizaines de personnes sur la rue Desranleau Est. Aucun débordement n’a toutefois été rapporté.

L’environnement part le bal

L’achat du pipeline Trans Mountain, et la « contradiction » qu’implique cette décision par rapport au discours environnemental de Justin Trudeau, a été soulevé en début de séance par le Maskoutain Robert Marquette. Le premier ministre a réitéré son principe phare voulant que l’économie et l’environnement doivent impérativement aller de pair. Il a ensuite défendu sa position en soulignant que les Canadiens sont toujours dépendants du pétrole et que le transport par pipeline est plus sécuritaire que par rails.

Rattrapé par les événements survenus au début de l’année en Colombie-Britannique, où 14 manifestants autochtones opposés à un projet de pipeline ont été arrêtés par la GRC, le premier ministre a admis une « erreur » et a dit souhaiter poursuivre le processus de réconciliation avec les Premières Nations. « On n’arrivera pas à l’unanimité [sur les projets de pipelines], a-t-il admis, mais il faut arriver à trouver un consensus… et on ne l’a pas encore », a-t-il reconnu. Plus tard, une représentante autochtone a d’ailleurs mis en évidence l’opposition des chefs héréditaires de la nation Wet’suwet’en à ce projet de gazoduc à l’ouest du pays.

L’immigration suscite les passions

L’immigration a occupé une bonne partie des échanges dans la seconde moitié de la soirée, alimentés entre autres par des membres de différents groupes identitaires. Une participante a demandé pourquoi le gouvernement avait signé le Pacte mondial sur les migrations « sans consulter le peuple canadien ». Après avoir décrit l’état de la crise internationale à cet effet et vanté la tradition d’accueil et d’intégration du Canada, M. Trudeau a fini par expliquer que cette signature ne limitait aucunement la souveraineté du pays dans l’application de ses politiques d’immigration.

D’autres participants ont évoqué une « invasion » à la frontière ou se sont alarmés de l’arrivée possible de la charia en Ontario. Sur ce type de questions, le premier ministre a soutenu à quelques reprises que le Canada est un pays libre et que de nombreuses « faussetés » circulaient à l’heure actuelle sur le sujet. « L’intégralité des lois canadiennes » s’applique à ceux qui traversent la frontière et ils sont « entièrement soumis au système d’immigration », a-t-il soutenu. Certains ont accusé le premier ministre de ne pas répondre assez explicitement à leur question.

Le Maskoutain Philippe Lorange s’est aussi adressé au premier ministre pour tenter de démonter l’affirmation voulant que l’immigration soit une réponse valable au problème de pénurie de main-d’œuvre. Ce n’est effectivement « pas la seule solution », a convenu le PM.

Une autre citoyenne de Saint-Hyacinthe, Marijo Demers, a demandé à M. Trudeau d’expliquer sa volte-face au sujet de la réforme du mode de scrutin. Ce dernier a servi le même argument que lors de l’annonce de l’abandon du projet, voulant qu’il n’y ait pas de consensus clair sur ce sujet « fondamental ». Plutôt que « d’imposer » un changement, il a choisi « d’accepter les critiques et la déception de certaines personnes pour protéger notre système électoral », a-t-il répondu.

L’agriculture n’est pas en reste

Une productrice laitière de Saint-Armand, près de la frontière, a aussi fait un témoignage particulièrement poignant sur la réalité de son industrie. « Accord après accord, trois fois nous avons été les perdants », a-t-elle affirmé en faisant référence au récent Accord Canada-États-Unis-Mexique, à celui avec l’Union européenne ainsi qu’au Partenariat transpacifique, déplorant au passage que les compensations promises n’étaient pas appropriées. « J’espère que vous êtes pleinement conscient des dommages que vous avez causés », a-t-elle lancé, appelant le premier ministre à prendre « des engagements, des vrais » en faveur des producteurs. M. Trudeau a alors promis que les futurs accords commerciaux n’impliqueraient « plus aucune atteinte aux producteurs laitiers » et que « la bonne compensation » leur serait cette fois délivrée.

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