C’est fait, le gouvernement du Québec a mis la table pour une grande consultation nationale visant à moderniser le régime de protection du territoire agricole et à favoriser la mise en valeur du territoire par les activités agricoles. Celle-ci s’articule autour de la thématique Agir pour nourrir le Québec de demain.
« Quarante-cinq ans après l’adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole (1978), cette nouvelle discussion nationale se veut rassembleuse, respectueuse des acquis du Québec, cohérente avec les autres chantiers du gouvernement, mais également lucide sur l’état actuel des choses », a souligné le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, lors du lancement de cet ambitieux chantier.
Sans grande surprise, celui-ci a été accueilli par un concert d’éloges, tout ce qui grouille et grenouille dans le monde agricole et municipal ayant salué cette initiative, que ce soit l’Union des producteurs agricoles, la Fédération québécoise des municipalités, l’Union des municipalités et la Fédération de la relève agricole.
Toutes ces instances se sentent concernées et elles entendent apporter leur contribution que l’on souhaite constructive. Par la voix de son président général, l’UPA a rapidement campé le décor. « La zone agricole cultivable ne représente que 2 % du territoire québécois. Elle est une ressource limitée, non renouvelable et essentielle à l’autonomie et à la sécurité alimentaire des Québécois, surtout à la lumière des changements climatiques. L’exercice que propose le gouvernement doit être vu comme une occasion historique de réaffirmer ce constat et d’élever la protection de notre garde-manger au rang de véritable priorité nationale », a souligné Martin Caron.
Selon les calculs de l’UPA, plus de 9000 hectares de zone agricole ont été sacrifiés à d’autres usages que l’agriculture ces cinq dernières années, dont 81 % sous forme d’utilisations non agricoles en zone verte. Et les pressions sur cette zone sont énormes. Cette grande consultation, qui s’échelonnera jusqu’à la fin de l’automne, permettra dans un premier temps de recueillir les commentaires autant des partenaires agricoles, environnementaux et municipaux que de Monsieur et Madame Tout-le-Monde qui s’intéresse aux questions agricoles. Un rapport synthèse permettant de dégager des consensus sur les orientations à privilégier par le gouvernement est attendu en mars 2024. On peut tenir pour acquis que les Maskoutains auront des choses à dire.
La grande région de Saint-Hyacinthe a en effet été le théâtre ces dernières années de plusieurs confrontations entre les mondes agricole et municipal au sujet de la Loi sur la protection du territoire agricole. Dans sa forme actuelle, on a souvent l’impression que les commissaires du chien de garde du territoire agricole arrivent à lui faire dire tout et son contraire. La logique de la CPTAQ n’est pas toujours simple à suivre, même pour les spectateurs attentifs et intéressés. On l’a vu abondamment dans le dossier Exceldor où la CPTAQ a autorisé l’exclusion d’une dizaine d’hectares de terre agricole pour permettre à la coopérative de construire une nouvelle usine. La fenêtre d’opportunité pour concrétiser ce projet semble toutefois s’être refermée depuis.
Plus récemment, le dossier du déménagement des installations des Encans de la ferme de Saint-Hyacinthe vers Saint-Simon a aussi été l’objet d’une belle partie de bras de fer entre l’UPA et le demandeur au dossier. Partie qui s’est cette fois terminée à l’avantage de l’UPA, même si la conclusion sort du champ gauche. Je ne connais aucun producteur agricole qui voit un potentiel quelconque dans le terrain de Saint-Simon.
Tout cela pour dire que la nécessité de moderniser le régime de protection du territoire agricole saute aux yeux. Le défi du ministre Lamontagne ne sera pas tant de convaincre tout ce beau monde de discuter de leurs préoccupations et de leurs défis respectifs. Les producteurs agricoles et les élus municipaux ont l’habitude d’échanger et de négocier ensemble. Mais s’écouter, se comprendre et ultimement s’entendre, c’est une autre paire de manches. Il faudra bien pourtant y parvenir avant d’agir. Sinon, cette grande consultation nationale n’aura été qu’un gros spectacle inutile. À l’image de ce qu’aura été la Commission et le Rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture et l’agroalimentaire en 2008.