Son talent, son dévouement et sa sollicitude à l’endroit de ses collègues artistes, des Maskoutains, des Canadiens, et tout particulièrement des minorités francophones, sont autant de qualités qui reviennent sans cesse dans les éloges.
Femme d’exception, elle n’aura pas été la femme d’un seul rôle, loin de là, a témoigné son fils Patrick Clune dans une généreuse entrevue accordée au COURRIER lundi midi, soit à peine trois jours après le décès de sa mère. Mme Champagne s’est éteinte à l’Hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe vendredi, à l’âge de 80 ans. Elle y était depuis trois semaines déjà, souffrant de sérieux problèmes pulmonaires.
Les tests de la COVID-19 qu’on lui a fait passer ont tous été négatifs.
« Ma mère a reçu des soins de grande qualité, a tenu à exprimer son fils. Malgré le contexte difficile, nous n’avons que de bons mots pour le personnel qui a tout fait ce qui était possible pour nous permettre de vivre ces derniers moments avec elle. »
Depuis que la nouvelle du décès de Mme Champagne a été ébruitée samedi soir, ses proches n’en finissent plus de recevoir des messages de sympathies d’artistes, de politiciens et de gens ordinaires qui tiennent à lui rendre hommage. « Elle a touché bien des gens, de bien des façons et à bien des époques, a résumé son fils. Notre mère, à ma sœur Liliane et à moi, appartenait à tout le monde. Elle a relevé haut la main tous les grands rôles de sa vie. Celle de mère, de comédienne, d’entrepreneure et de politicienne. Elle a connu du succès partout à force de travail et de persévérance. Ma mère était douée pour la réussite. »
Une icône
En retraçant les grandes étapes de sa carrière qui se sera échelonnée sur 60 ans de vie publique, Patrick Clune parle avec beaucoup de tendresse d’une maman devenue rien de moins qu’une « icône du petit écran ».
Pour bien des gens, la Maskoutaine a toujours été associée au grand rôle de sa vie décroché à l’âge de 17 ans seulement, la première Donalda Laloge des Belles Histoires des pays d’en haut. De 1956 à 1970, elle a formé avec son Séraphin, Jean-Pierre Masson, l’un des couples les plus marquants de la télévision québécoise. La consécration viendra dès 1961 quand elle remportera le titre de Miss radiotélévision au Gala des artistes.
Son côté entrepreneur a pris le dessus par la suite. « Avec doigté et bon conseil », Andrée Champagne a lancé une agence de casting au début des années 1970. « À une époque où tout était à faire pour les artistes et dans un milieu résolument masculin. Elle était entêtée et elle jouissait déjà de formidables contacts dans le milieu de la télévision. »
Pour améliorer le sort de ses collègues artistes, Andrée Champagne s’impliquera activement au sein de l’Union des artistes à titre de vice-présidente et de secrétaire générale, entre 1981 et 1984. On l’associe aussi beaucoup à la mise sur pied de la résidence Le Chez-nous des artistes, une maison de retraite destinée entre autres aux artistes et artisans du petit écran.
Le saut en politique
Son engagement prendra une tout autre direction au milieu des années 1980. Poussée par le désir de faire progresser le statut des artistes, Andrée Champagne fera le saut en politique active en 1984 sous les couleurs du Parti progressiste-conservateur dans le comté de Saint-Hyacinthe-Bagot.
Élue dans la vague qui portera Brian Mulroney au pouvoir, elle siègera à la Chambre des communes jusqu’en 1993. En plus de s’impliquer dans la réforme du droit d’auteur, elle occupera le poste de ministre d’État à la Jeunesse et deviendra au cours de son passage la première femme à occuper la vice-présidence de la Chambre. Même qu’elle occupera la présidence par intérim pendant une certaine période.
Battue aux élections de 1993 par le bloquiste Yvan Loubier, Andrée Champagne tentera un retour aux élections de 2004 avec les conservateurs de Stephen Harper, mais terminera troisième, de nouveau battue par M. Loubier. Mais elle n’en avait pas terminé avec la politique pour autant. Nommée sénatrice en 2005 par le premier ministre libéral Paul Martin, elle décidera de siéger en tant que sénatrice conservatrice. Elle devenait ainsi la toute première Maskoutaine à siéger au sénat canadien où elle se fera particulièrement remarquer dans les dossiers touchant la défense de la langue française et des groupes en minorité linguistique au Canada. Tellement qu’elle aura l’occasion de se distinguer à l’international en devenant présidente de l’Assemblée des parlementaires de la francophonie en 2013. « Son travail au niveau de la francophonie est sans doute le côté le plus méconnu de l’engagement politique de ma mère », croit Patrick.
Son rôle de sénatrice se terminera en juillet 2014 lors de son 75e anniversaire de naissance, l’âge de la retraite obligatoire des sénateurs. Quatre ans plus tard, une ultime reconnaissance lui sera faite quand elle sera décorée de l’Ordre du Canada en novembre 2018 par la gouverneure générale Julie Payette.
Localement, sa dernière apparition publique est survenue lors de l’investiture du candidat conservateur Bernard Barré au printemps 2019.
Une grande Maskoutaine
Joint par LE COURRIER, M. Barré n’a pas manqué de souligner cette grande perte et l’immense contribution de Mme Champagne. « J’ai toujours eu un profond respect pour elle. C’était un sacré personnage. Elle a eu un rôle marquant à la télévision, mais elle ne s’est pas arrêtée là. Que ce soit au niveau artistique ou en politique en tant que députée ou sénatrice, elle a toujours fait honneur aux Maskoutains et à la ville de Saint-Hyacinthe. Les deux fois que je me suis présenté sous les couleurs conservatrices, en 2007 et 2019, elle était à mes côtés. Le fait d’avoir son appui, c’était gros, une belle carte à avoir dans son jeu vu sa crédibilité et toute son expérience », a témoigné M. Barré.
Pandémie oblige, il est encore trop tôt pour connaître le détail des funérailles de Mme Champagne. Son fils n’a qu’une seule certitude pour l’instant. « Ma mère est née à Saint-Hyacinthe, c’est ici qu’elle a vécu toute sa vie et c’est ici qu’elle va reposer. »
Ce qu’ils ont dit :
« Du petit écran au Sénat, comme entrepreneure ou députée, Andrée Champagne a apporté de nombreuses contributions et fait de grandes choses pour le Québec et tout le Canada. J’offre mes sincères condoléances à sa famille, à ses amis et à son public, qui pleurent son décès. »
– le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, sur Twitter
« J’offre mes plus sincères condoléances aux proches de la comédienne et ex-politicienne Andrée Champagne, qui a marqué les Québécois, notamment avec son rôle de Donalda dans Les Belles histoires des pays d’en haut. Mes pensées sont avec vous. »
– Le premier ministre du Québec, François Legault, sur Twitter
« Jill et moi sommes attristés du décès de l’honorable Andrée Champagne. Pour tous les Québécois, elle sera toujours Donalda. Mes sympathies à la famille et aux proches de cette femme passionnée qui s’est dévouée pour le service public et notre formation politique. »
– le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, sur Twitter