En examinant les données du Centre d’expertise hydrique du Québec, qui proviennent d’une station hydrométrique située près du pont Bouchard, on constate en effet des débits beaucoup plus bas qu’à l’habitude dans la Yamaska à pareille période.
Le chroniqueur météo Michel Morissette, qui suit également le débit de la rivière, a confirmé que le peu de précipitations reçues en mai et en juin explique ce faible débit. Lors de l’arrêt planifié de la station d’épuration, la Ville s’était basée sur les données des vingt dernières années, mais n’avait pas réévalué la situation réelle le 28 juin, une « faille déterminante », a commenté le maire.
Pourtant, la surverse n’aurait techniquement pas dû avoir lieu sans un bris soudain de l’équipement, a-t-il soutenu en conférence de presse. « Si tout s’était déroulé normalement, l’impact sur l’environnement aurait été moindre, sans pour autant être négligeable », a nuancé la directrice des communications à la Ville, Brigitte Massé.
Plusieurs failles apparaissent
Les explications de la Ville ne convainquent cependant pas Alain Saladzius, président de la Fondation Rivière et ingénieur spécialisé en assainissement des eaux usées. D’après les informations présentées par la Ville, il ne comprend pas comment la surverse a pu avoir lieu. « Les stations d’épuration sont conçues pour subir des bris d’équipements, et un système de relève est prévu justement en cas de panne », a-t-il commenté.
Questionné sur le bris, Jocelyn Bazinet, conseiller technique aux infrastructures à la Ville, a précisé que l’équipement en cause est un dégrilleur. Ce système sert à capter les déchets de grandes dimensions avant le traitement à proprement parler.
En cas de bris du système de dégrillage, un canal parallèle peut normalement prendre le relais pour que les débris soient ramassés manuellement, a fait remarquer Alain Saladzius. Pour ce faire, un opérateur spécialisé doit cependant faire les manoeuvres, explique-t-il.
L’affirmation de la Ville à l’effet que la station d’épuration peut accumuler assez d’eau pour un arrêt de quatorze heures le surprend également au plus haut point. « Il y a sûrement eu confusion avec le système d’eau potable, les eaux ne peuvent être accumulées qu’environ une quinzaine de minutes dans de tels systèmes », a-t-il affirmé.
Le barrage en cause?
Puisque le débit de la rivière est au coeur du problème, LE COURRIER a questionné la Ville au sujet des activités au barrage Penman’s dès le 4 juillet. La directrice générale adjointe, Chantal Frigon, avait alors assuré que le turbinage avait cessé avant même le déversement du 28 juin. Elle expliquait qu’en vertu de l’entente avec Algonquin Power, le turbinage doit cesser le 1er juillet ou lorsque le débit passe sous les 7 m3/s, ce qui était le cas depuis plusieurs jours.
Afin de limiter l’impact sur le débit de la Yamaska en période sèche, la Ville paie même l’exploitant pour compenser les pertes encourues par l’arrêt du turbinage en période estivale.
Voilà cependant qu’en examinant les débits d’heure en heure, on note des variations importantes et constantes jusqu’au 4 juillet (voir graphique), incluant le 28 juin, jour du déversement (en rouge). Alain Saladzius y voit l’influence du barrage, qui retient l’eau pendant quelques heures avant de la relâcher d’un seul coup pour activer ses turbines, provoquant ainsi des variations du débit en aval, tel qu’observées sur le graphique.
Devant ces données, Chantal Frigon et Stéphane Bazinet ont réaffirmé le 12 juillet qu’en aucun cas le barrage ne turbinait le 28 juin et les jours précédents, évoquant des causes naturelles pour expliquer les variations dans le débit de la rivière.