9 mai 2024 - 03:00
Manifestation devant l’Ordre des médecins vétérinaires
Un dentiste équin veut retrouver le droit de pratiquer
Par: Sarah-Eve Charland
Patrick Chartrand a manifesté dans le Quartier des études supérieures à Saint-Hyacinthe pour retrouver le droit de pratiquer le râpage de dents des chevaux. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Patrick Chartrand a manifesté dans le Quartier des études supérieures à Saint-Hyacinthe pour retrouver le droit de pratiquer le râpage de dents des chevaux. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Des dizaines de personnes sont venues appuyer Patrick Chartrand, qui se présente comme dentiste équin, le 4 mai à Saint-Hyacinthe. L’Ordre des médecins vétérinaires estime toutefois que les actes de dentisterie sont des actes réservés aux vétérinaires et demande donc que M. Chartrand cesse ses activités professionnelles.

Depuis une vingtaine d’années, M. Chartrand pratique ce qu’on appelle le râpage des dents des chevaux un peu partout au Québec. Cet entretien doit être effectué régulièrement, sans quoi des problèmes de santé peuvent survenir puisque les dents des chevaux poussent continuellement.

En juin 2016, l’Ordre des médecins vétérinaires a obtenu une condamnation en Cour supérieure auprès d’un autre dentiste équin ne faisant pas partie de l’Ordre. À cette même époque, l’organisation a envoyé un avis de non-conformité à Patrick Chartrand, mais ce dernier ne s’en est pas formalisé, ayant la certitude qu’il ne contrevenait pas à la Loi sur la médecine vétérinaire. Après un deuxième avis, il a été convoqué devant la Cour du Québec pour avoir commis un acte réservé aux vétérinaires.

« Je vis une grande injustice. Je fais ça depuis près de 20 ans et, tout à coup, ce n’est plus correct. Les vétérinaires ne veulent pas faire de la dentisterie équine. Il y a une pénurie de vétérinaires pour grands animaux. Je travaille avec près de 30 vétérinaires et ils m’appuient », assure M. Chartrand.

Les manifestants ont rappelé la pénurie de vétérinaires pour grands animaux. L’accès aux soins est de plus en plus difficile et particulièrement ceux touchant les dents.

À la Cour du Québec, le juge de première instance a conclu que « le râpage des dents de chevaux constitue un entretien régulier que doivent prodiguer les propriétaires de chevaux à leurs animaux. Puisque les gestes d’entretien régulier n’impliquant pas un geste par ailleurs réservé n’apparaissent pas à l’article 7 de la Loi, le râpage des dents de chevaux, en soi, ne devrait pas être un acte réservé aux vétérinaires au sens de la Loi ».

Il poursuit. « Cette preuve [de l’Ordre] ne démontre aucunement comment la protection du public requiert depuis peu l’assujettissement du râpage des dents en soi à la supervision de l’Ordre en l’incluant dans la définition de la médecine vétérinaire. Il ne ressort de la preuve aucun événement impliquant un râpage manuel ayant entraîné un accident médical ou une problématique plus large amenée par l’utilisation de cette technique par des citoyens qui ne sont pas vétérinaires. »

Malgré tout, le juge a déclaré Patrick Chartrand coupable puisqu’il s’estime lié par le principe stare decisis, c’est-à-dire qu’il est obligé de suivre les précédents d’une juridiction supérieure, soit la décision rendue en 2016 par la Cour supérieure. L’amende est de 12 500 $.

« Je me bats contre un système désuet. Ça ne fait pas partie de l’article 7 de la Loi sur la médecine vétérinaire », affirme M. Chartrand, qui a fait appel de la décision.

Le dossier a été porté en appel à la Cour supérieure. Le 4 mars 2024, l’appel de la condamnation a été rejeté.

Plus qu’un entretien, selon l’Ordre

L’Ordre des médecins vétérinaires a publié un communiqué de presse défendant ses démarches envers M. Chartrand. Il rappelle que certains symptômes dentaires peuvent cacher des infections ou des problèmes de santé plus graves que seul un médecin peut diagnostiquer. Contrairement à la croyance populaire, le râpage des dents n’est pas un soin de routine, soutient-on.

« Le médecin vétérinaire est le seul formé pour effectuer des examens approfondis sur un animal, identifier des problèmes de santé, certains sous-jacents aux symptômes dentaires, et prévoir les traitements requis selon le cas. Le tout basé sur des méthodes scientifiques reconnues », poursuit le Dr Gaston Rioux, président de l’Ordre.

Lors d’un examen approfondi de la bouche, des sédatifs ou des anesthésiques sont nécessaires, ajoute-t-il. M. Chartrand n’est pas d’accord. Ce dernier procède au râpage de façon manuelle avec douceur sans utiliser de sédatifs ou d’anesthésiques.

La pénurie de vétérinaires est multifactorielle, poursuit le Dr Rioux. La solution passe davantage par les techniciens en santé animale pratiquant des soins sous la supervision de vétérinaires. Il estime que la situation de M. Chartrand est un cas isolé qui peut être pallié par un meilleur recours aux techniciens en santé animale et par un ajustement des façons de faire des médecins vétérinaires.

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