21 mars 2024 - 03:00
Abolition progressive des subventions à l’achat de véhicules électriques
Un désastre annoncé, déplorent des concessionnaires maskoutains
Par: Zineb Guennoun | Journaliste de l'Initiative de journalisme local
Le programme d’aide financière Roulez vert pour l’achat de véhicules électriques sera progressivement
réduit à partir de janvier 2025 jusqu’à sa suppression complète.
Photothèque | Le Courrier ©

Le programme d’aide financière Roulez vert pour l’achat de véhicules électriques sera progressivement réduit à partir de janvier 2025 jusqu’à sa suppression complète. Photothèque | Le Courrier ©

L’annonce de la fin graduelle des subventions versées aux acheteurs  de véhicules électriques neufs par le gouvernement du Québec a eu l’effet d’une bombe. À Saint-Hyacinthe, les concessionnaires automobiles accueillent mal cette nouvelle qui, selon eux, ne sera pas sans conséquence.

La subvention du programme Roulez vert, lancé en 2012, passera de 7000 $ à 4000 $ en 2025. L’année d’après, elle sera réduite à 2000 $ avant de disparaître complètement au 1er janvier 2027.

La subvention fédérale est quant à elle toujours en vigueur. Les clients profitent actuellement d’une somme de 5000 $ à l’achat d’un véhicule électrique. Cette décision a fait grand bruit au sein de l’industrie. Daniel Breton, président-directeur général de Mobilité électrique Canada et ancien ministre péquiste de l’Environnement du Québec,
dénonce la suppression progressive des subventions.

Selon lui, il s’agit d’une occasion manquée par le gouvernement d’encourager l’achat de voitures électriques.

« C’est une erreur majeure. Cette décision ralentira la croissance du volume de ventes. La contribution financière a incité beaucoup de Québécois à acheter des véhicules électriques. Le gouvernement a justifié la fin du programme en affirmant que le rabais offert aux acheteurs coûte cher pour l’impact qu’il génère sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Si le gouvernement avait vraiment en tête de diminuer ces émissions de façon efficace, il serait plus judicieux de mettre en place
un système de bonus-malus [punition/récompense] au lieu de mettre fin aux subventions. »

À son avis, une taxe imposée lors de la première immatriculation de véhicules énergivores pourrait financer un rabais à l’achat de véhicules électriques.

La solution avancée par M. Breton permettrait d’atteindre deux objectifs, soit encourager l’achat de véhicules électriques et décourager l’acquisition de véhicules énergivores. Tout en garantissant que tout soit fait de manière fiscalement neutre. « L’un sera financé par l’autre, ce qui coûterait 0 $ à l’État. »

Du côté des concessionnaires automobiles de Saint-Hyacinthe, la réaction semble unanime. On condamne fortement une décision si hâtive de la part du gouvernement. Félix Lambert, président du groupe automobile Casavant de Saint-Hyacinthe, doute que les objectifs fixés par le gouvernement soient réalistes.

« Le ministre des Finances a déclaré que les prix vont probablement baisser. Je ne crois pas que cela soit faisable à court terme. Les concessionnaires ont peu de marge de profit et le manufacturier n’en a pratiquement pas. »

M. Lambert estime que la diminution graduelle de l’aide financière empêchera la réalisation de l’objectif fixé par Québec d’avoir deux millions de voitures électriques sur les routes d’ici 2030.

Félix Lambert a tenu à louanger l’efficacité du programme Roulez vert. « C’est un excellent programme et, tout d’un coup, il va disparaître. Cette décision va être un défi pour les manufacturiers. En tout cas, les prix ne vont pas diminuer à court terme. C’est sûr que ce n’est pas une bonne nouvelle. Les propos d’Éric Girard [le ministre des Finances] sont purement politiques. »

Pour ce qui est des délais d’attente chez les concessions du Groupe Casavant, dont Hyundai et Kia, cela dépend du type et du modèle de véhicule électrique désiré. Selon M. Lambert, une attente moyenne de 14 mois est requise pour prendre possession de son véhicule électrique.

Guy Lussier, propriétaire et président du concessionnaire automobile Chevrolet Buick GMC de Saint-Hyacinthe, perçoit la fin progressive du programme comme un pas en arrière. « Je trouve cette décision prématurée, d’autant plus que les concessionnaires ont investi beaucoup d’argent pour être en mesure de vendre des véhicules électriques. »

D’après lui, le consommateur va être fortement pénalisé compte tenu du peu de véhicules électriques en stock. « On sera incapable de répondre à la demande accrue. La frustration sera au rendez-vous, en particulier pour les clients qui avaient décidé d’attendre une année ou deux pour faire la transition électrique. C’est un changement
violent pour le consommateur, le manufacturier et le concessionnaire. »

Pour Marc Bouchard, chroniqueur automobile du COURRIER, l’effet de surprise ne peut être invoqué puisqu’il a toujours été convenu que ces subventions à l’achat seraient temporaires.

« On s’y attendait pas mal, mais maintenant que c’est confirmé, il est difficile d’évaluer l’impact que cela aura à court, moyen et long terme. Ce qui est sûr, c’est que d’ici la fin de l’année avec la pleine subvention, il y aura un engouement pour l’achat de véhicules électriques. »

Les consommateurs devraient donc se ruer en concession pour profiter de la subvention de 7000 $ jusqu’au 31 décembre 2024. En ce qui concerne les délais d’attente, M. Bouchard assure qu’il est plus facile d’obtenir un véhicule électrique à l’heure actuelle comparativement aux trois années précédentes. « Les délais longs de deux à trois ans ne sont plus aussi vrais partout. L’attente a été raccourcie pour certains modèles qu’on peut maintenant se procurer dans un délai de quelques semaines ou mois. »

Si l’afflux pour l’achat de véhicules à zéro émission se concrétise, il y aura toutefois de la frustration puisqu’il sera impossible de répondre à toutes les demandes.

« L’insatisfaction sera évidente, prévoit M. Bouchard. Il y aura des gens qui n’auront plus accès à la subvention entière ou même partielle. Même s’ils auront commandé au préalable, plusieurs ne recevront leurs voitures qu’après l’échéance du programme. »

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