30 avril 2020 - 14:07
Un pathologiste vétérinaire recommande la multiplication des tests de dépistage
Par: Jean-Luc Lorry
Le professeur à la retraite de la Faculté de médecine vétérinaire Daniel Martineau considère que le contrôle de la propagation d’un virus repose sur la capacité d’un pays à multiplier les tests de dépistage. Photo gracieuseté

Le professeur à la retraite de la Faculté de médecine vétérinaire Daniel Martineau considère que le contrôle de la propagation d’un virus repose sur la capacité d’un pays à multiplier les tests de dépistage. Photo gracieuseté

Professeur retraité du département de pathologie et de microbiologie de la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, Daniel Martineau considère que la clé pour ralentir et contrôler la propagation d’un virus est de multiplier les tests de dépistage.

Selon ce scientifique, le fait que l’Allemagne, la Corée du Sud et l’Islande aient pu multiplier les tests a eu pour effet de limiter le nombre de cas positifs à la COVID-19.

« La troisième semaine de mars, on effectuait 140 000 tests par semaine en Corée du Sud. Pendant la même période en Allemagne, on effectuait 160 000 tests par semaine. Au Québec, on effectuait 7000 tests hebdomadaires dans la semaine du 15 mars », compare Daniel Martineau, lors d’une entrevue téléphonique au COURRIER.

Selon lui, la Corée du Sud a appris des leçons de l’épidémie de SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) survenue en 2003.

« Il est très important d’identifier les personnes asymptomatiques parce qu’elles répandent le virus sans s’en rendre compte et, évidemment, il faut les isoler le plus vite possible. Seul un test permet d’identifier ces personnes. On a compris cela en Corée du Sud. On a pu se permettre de faire les tests parce qu’on avait un nombre suffisant de trousses de diagnostic », indique M. Martineau.

Le délai pour obtenir le résultat des tests est une composante essentielle. « Les résultats étaient obtenus entre quatre et huit heures en Corée du Sud alors qu’au Québec, les médecins attendaient encore entre trois et quatre jours », note ce scientifique.

Dernièrement, un test portatif de dépistage permettant de donner ses résultats en moins d’une heure a été approuvé par Santé Canada. Selon La Presse canadienne, Québec a déjà commandé 200 000 de ces tests. Le cabinet de la ministre de la Santé, Danielle McCann, a indiqué que ces nouveaux tests de dépistage étaient attendus pour la fin mai.

Après le test, la seconde étape est la capacité à retracer les foyers infectés à la COVID-19. « Considéré seul, le nombre de tests ne sert à rien. Il faut retracer les gens qui ont été en contact avec la personne infectée et mettre ceux-ci en quarantaine. Il faut donc que les résultats soient rapidement connus et transmis aux intéressés », considère Daniel Martineau.

« Là encore, en Corée du Sud, les résultats sont communiqués rapidement à la population sur application mobile, ce qui permet aux citoyens de connaître le niveau de risque dans leur quartier (sans identifier les personnes) et de prendre les précautions appropriées », poursuit-il.

Daniel Martineau a enseigné pendant 25 ans les nouvelles maladies – particulièrement celles causées par un virus à ARN (acide ribonucléique) comme les coronavirus – à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

Une pandémie redoutée dès 2006

Daniel Martineau souligne que les avertissements qu’une pandémie à virus ARN allait se produire étaient nombreux. « En 2006, la Dre Theresa Tam [administratrice en chef de la santé publique du Canada] avait coécrit un rapport où on prévoyait une pandémie et où on détaillait comment le Canada devrait s’y préparer. En 2020, le pays était loin d’être prêt », estime le pathologiste.

En octobre 2007, le Centre de recherche sur les infections et l’immunologie de l’Université de Hong Kong avait publié une étude qui mettait en lumière le risque élevé d’une pandémie.

« La présence d’un grand réservoir de virus de type SARS-CoV (le coronavirus en fait partie) dans les chauves-souris en fer à cheval, ainsi que la culture de manger des mammifères exotiques dans le sud de la Chine, est une bombe à retardement. Il ne faut pas ignorer la possibilité de réapparition du SRAS et d’autres nouveaux virus provenant d’animaux ou de laboratoires et, par conséquent, le besoin de préparation », peut-on lire dans cette étude.

« Le plus troublant est qu’en 2003, Toronto a été l’endroit le plus affecté sur la planète par le SRAS, en dehors de la Chine. Le SRAS est causé par un virus très proche cousin du virus qui affecte la planète présentement, tel que le reflète son nom, SARS-CoV-2 », souligne Daniel Martineau.

image