30 juin 2022 - 07:03
Un périple de 2100 km pour obtenir un passeport
Par: Sarah-Eve Charland
La file à Saint-Laurent se composait de centaines de personnes. Photo gracieuseté

La file à Saint-Laurent se composait de centaines de personnes. Photo gracieuseté

À Chicoutimi, l’engouement commençait à se faire sentir. Selon M. Lalonde, il y avait environ une vingtaine de personnes devant lui dans la file. Photo gracieuseté

À Chicoutimi, l’engouement commençait à se faire sentir. Selon M. Lalonde, il y avait environ une vingtaine de personnes devant lui dans la file. Photo gracieuseté

De Saint-Hyacinthe à Fredericton, en passant par Saint-Laurent et Chicoutimi, le Maskoutain Ian Lalonde et sa fille ont parcouru près de 2100 kilomètres pour mettre la main in extremis sur un passeport leur permettant de voyager en Europe.

Depuis plusieurs semaines, la crise du passeport s’intensifie au point où les personnes en attente d’un passeport doivent user de créativité. Pour le Maskoutain Ian Lalonde, cela aura été de voyager pendant trois jours jusqu’au Nouveau-Brunswick. Il avait envoyé la demande de renouvellement du passeport de sa fille Rosalie le 7 avril. À l’époque, les délais tournaient autour de neuf semaines, ce qui lui laissait une marge de manœuvre de quelques semaines avant leur départ prévu le 26 juin, dit-il. Il y a deux semaines, sa fille a récupéré par la poste son ancien passeport, ce qui donnait une impression que la demande avait été traitée. L’attente s’est toutefois poursuivie.

Quelques jours avant la date du voyage, l’urgence s’est fait sentir. Le 22 juin, à 3 h du matin, M. Lalonde a déposé sa chaise de camping dans la longue file au bureau de Passeport Canada à Saint-Laurent, sous la pluie, en espérant obtenir un passeport en urgence. Il estime que près de 200 personnes le précédaient.

« Ça se passait bien. Tout le monde est dans le même bateau. On se met à jaser à nos voisins de chaises. Les gens sont compréhensifs. Il y a beaucoup de frustration, de peine et de désarroi. On est un peu laissés à nous-même. Il n’y a pas d’option. Il n’y a aucune indication, mais en même temps, je comprends que les employés sont un peu dans le néant aussi. Ils essaient le plus possible de gérer les demandes », observe-t-il.

Au cours de la matinée, il a avancé un peu dans la file. Il a vu des employés distribuer des coupons donnant accès à des rendez-vous, mais il n’avait pas plus d’information. Vers l’heure du dîner, un employé du gouvernement circulait près de la file pour annoncer qu’il n’y avait plus de place pour la journée et pour le lendemain. « Les gens posaient des questions. Cet employé-là ne répondait à aucune question et continuait de répéter la même phrase. Il y a des gens qui commençaient à être un peu agressifs. L’agent de sécurité a ramené l’employé à l’intérieur. Une personne à l’entrée du bureau disait la même chose. […] Ma fille était en pleurs, dévastée », raconte-t-il.

Détour par Chicoutimi

Lui et sa fille ont embarqué dans la voiture et ont décidé de faire la route vers Chicoutimi. Après un court arrêt à Saint-Hyacinthe pour prendre le nécessaire, ils se sont élancés vers Saguenay. Ils sont arrivés vers 19 h et ils étaient les 25es dans la file. « On espérait qu’au matin, on aurait des réponses. On discutait dans la file. Des personnes en avant dans la file nous ont dit que le bureau avait traité 12 personnes la veille. On se disait qu’on allait prendre une chance. »

Après la nuit à attendre à la belle étoile, les bureaux ont ouvert à 8 h 30 le 23 juin. Selon M. Lalonde, les employés de Passeport Canada ont pris le temps de répondre aux questions. Ils étaient avenants, mais n’ont pas pu garantir pouvoir traiter les demandes des personnes présentes puisque les rendez-vous réservés en ligne sont gérés en priorité. Le Maskoutain s’est dit qu’ils attendraient jusqu’à l’heure du dîner avant de prendre la décision de quitter ou de rester. Finalement, l’impatience l’a emporté. En deux heures, une seule personne est entrée dans les bureaux. Selon les ouï-dire, elle aurait payé 500 $ pour prendre la place d’une autre personne.

« Je me suis dit : c’est assez. J’ai assez perdu de temps. On est embarqués dans la voiture. J’ai demandé [à Rosalie] : es-tu game de faire un road trip [jusqu’au Nouveau-Brunswick]? Elle m’a dit qu’elle était game. C’était notre dernier recours. On espérait même recevoir un appel comme quoi on avait reçu son passeport par la poste. C’était notre dernier espoir avant de probablement repousser son voyage », mentionne Ian Lalonde.

Direction Fredericton

Ils se sont dirigés vers Fredericton au Nouveau-Brunswick. Puisque cette province n’a pas de journée fériée le 24 juin, il leur restait une chance. Si cette option ne fonctionnait pas, M. Lalonde aurait pris l’avion seul en espérant que sa fille puisse obtenir son passeport dans les jours suivants pour venir le rejoindre.

Ils sont arrivés les premiers dans la file, mais n’ont pas tardé à être suivis par une quarantaine de Québécois dans la même situation. Au lendemain, après quelques heures d’attente, ils ont réussi à mettre la main sur le passeport tant convoité.

« Après 20 heures de route et des émotions comme ce n’est pas possible, on a réussi. » Ian Lalonde a soufflé un soupir de soulagement après avoir dormi environ huit heures en trois jours la semaine dernière.

« On s’entend que c’est un problème de riche. J’en suis conscient. Ce n’est pas tout le monde qui peut voyager. Ça reste que c’est honteux comment la crise est gérée. Les gens sont laissés à eux-mêmes, sans réponse », conclut-il.

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