Ce préambule décrit très bien mes sentiments à l’endroit de Pierre Bornais, l’homme qui m’a ouvert les portes du Courrier de Saint-Hyacinthe en 1986 et qui a été mon patron pendant les neuf années suivantes. Un patron que je n’ai jamais oublié et que je n’oublierai jamais.
Pour bien situer le contexte, j’ai effectué deux séjours au Courrier de Saint-Hyacinthe. Le premier remonte à 1981, à titre d’employé à temps partiel affecté à la révision des textes des journalistes, pendant environ deux ans.
En raison de ce rôle très sporadique, et parce qu’il n’était pas mon patron, mes contacts avec M. Bornais étaient alors minimaux. Mais ils furent suffisants pour le trouver un brin intimidant chaque fois qu’il se présentait dans l’atelier de production. Sa tenue vestimentaire impeccable, sa démarche énergique et jamais hésitante, sa voix claire et ferme imposaient le respect, me disais-je.
En 1986, après trois années passées à L’Écho abitibien – un hebdomadaire qui, à l’époque, publiait des éditions aussi volumineuses que celles du Courrier – et après quelques mois de congé pour régler des affaires personnelles à Val-d’Or, je suis revenu à Saint-Hyacinthe et je me suis timidement présenté au bureau de M. Bornais pour lui laisser mon curriculum vitae. La rencontre n’a duré que quelques secondes, le temps d’échanger les politesses d’usage.
Une dizaine de jours plus tard, le téléphone sonne à la maison.
« Est-ce que je pourrais parler à Michel Lamarche? »
« Lui-même », que je réponds.
« C’est Pierre Bornais, au Courrier de Saint-Hyacinthe. Vous commencez demain! »
J’ai tout juste eu le temps de lui dire merci avant qu’il ne mette fin à ce bref dialogue.
Excité et fébrile à l’idée de reprendre la pratique d’un métier passionnant – dans la ville où j’avais grandi de surcroît -, je ne pouvais m’empêcher de me demander comment je parviendrais à faire ma place au sein de ce joyau de la presse régionale au Québec et à répondre aux attentes d’un homme d’apparence austère qui, surtout, avait grandement contribué à la réputation que le journal avait acquise à Saint-Hyacinthe et au-delà.
D’apparence complexe, cette mission s’est réalisée en toute simplicité parce que M. Bornais a contribué à mon intégration au sein de son équipe de journalistes.
Il l’a fait en m’accordant toute sa confiance et en me donnant des dossiers sur lesquels je n’aurais jamais pensé travailler en journalisme, comme le syndicalisme, l’agriculture, le judiciaire et la politique municipale.
Au-delà de cette confiance que M. Bornais m’a témoignée, j’ai découvert au fil des ans un homme d’une grande intégrité professionnelle et personnelle, et profondément humain.
La salle de rédaction du Courrier était sa deuxième famille. Une famille qu’il avait pris l’habitude d’inviter chez lui tous les ans à quelques jours de Noël – une tradition qui a duré quelques années – pour un copieux et chaleureux repas des Fêtes, généralement un vendredi après-midi.
C’est un moment que j’anticipais avec hâte et j’ai toujours eu l’impression qu’il en était de même pour M. Bornais. Ça se sentait dans les préparatifs et dans l’ambiance qui se dégageait de sa demeure.
Comme quoi, cette fameuse première impression n’était que cela, une première impression. Et complètement erronée.
L’autre trait de caractère que je retiendrai toujours de M. Bornais, c’est sa grande curiosité. Et je soupçonne qu’elle est à la source de tous les efforts qu’il a consentis pour s’implanter dans une région et une ville qui n’étaient pas les siennes, il y a 50 ans. Parce qu’il s’est tant attardé à les découvrir sous toutes ses coutures, elles le sont devenues à jamais.
C’est tout à son honneur et les Maskoutains devraient l’en remercier.
Voilà que l’heure de la retraite a sonné pour M. Bornais. Il en a fait part sans plus d’artifice qu’il ne le faut, dans un médium qu’il a profondément aimé. Il ne me reste plus qu’à lui souhaiter que cette retraite soit belle et douce. Car c’est certainement ce qu’il mérite.
Michel Lamarche, ancien journaliste du Courrier de Saint-Hyacinthe