J’ai toujours beaucoup apprécié Huguette Corbeil, je ne m’en cache pas. Le plus beau compliment que je pourrais lui faire, c’est qu’elle me faisait beaucoup penser à ma propre mère à bien des égards. Elles partageaient d’ailleurs le même prénom et étaient pratiquement du même âge. Il n’y a pas de hasard dans la vie.
Je n’étais pas très vieux – à peine dix ans – lorsque Huguette (elle ne voulait pas que je l’appelle Mme Corbeil) a fait ses premiers pas en politique municipale en 1980, devenant du même coup la première femme à être élue au conseil de Saint-Hyacinthe. On dira que cela remonte déjà à 40 ans, mais ce n’est pas si lointain quand on y pense. C’était à une époque où, dans les archives du COURRIER, on parlait d’elle comme du conseiller Huguette Corbeil. La fonction n’avait même pas encore été féminisée! Et il aura fallu attendre jusqu’en 1996 pour que d’autres femmes suivent son exemple et réussissent à se faire élire. Il me semble que c’était hier. Huguette a fait partie de ce quatuor de qualité.
Engagé au COURRIER comme journaliste en 1995, j’ai donc été aux premières loges pour juger de la qualité de son engagement politique et communautaire.
N’en doutez pas un seul instant, Huguette Corbeil a été une des bonnes conseillères que la Ville de Saint-Hyacinthe a connue depuis 40 ans, tous sexes confondus.
Toujours en parfaite maîtrise de ses dossiers, elle savait faire valoir et défendre ses opinions. Elle savait argumenter et s’imposer si nécessaire. Elle maîtrisait l’art de se lever au bon moment et elle n’avait jamais au grand jamais la langue de bois. En toute honnêteté, les conseillères qui siègent présentement à la table du conseil ont encore bien des croûtes à manger si elles veulent se prétendre les dignes héritières de cette pionnière.
Huguette Corbeil aura été une Maskoutaine et une conseillère d’exception.
Elle était dans une classe à part et je reste résolument convaincu qu’elle possédait toutes les qualités requises pour être une grande mairesse. Fait rarissime, LE COURRIER avait d’ailleurs ouvertement appuyé sa candidature quand elle avait tenté de ravir son poste au maire Claude Bernier à l’élection de novembre 2009. En vain, puisque la candidature de Jean-Marie Pelletier a fini par torpiller ses chances de succès en divisant le vote.
Un fait demeure, les deux adversaires de M. Bernier avaient recueilli au total un plus fort appui populaire que le maire réélu. Cette défaite a mis un terme à la carrière politique de Mme Corbeil, sans pour autant diminuer son engagement, son influence et son rayonnement. Elle m’avait fait une fleur en acceptant de participer à la chronique Carte blanche à partir de l’automne 2010. Cette collaboration la sortait de sa zone de confort habituelle puisqu’elle avait toujours écrit pour le simple plaisir de la chose auparavant, sans prétention aucune. La rédaction d’une chronique de 400 mots exigeait d’elle un travail de réflexion. Surtout, elle ne voulait pas avoir l’air d’une donneuse de leçons et encore moins jouer à la belle-mère politique aigrie. Ce qu’elle n’a jamais été et c’est tout à son honneur.
Dès sa première chronique intitulée « Ma rentrée », elle avait donné le ton. Revenant sur sa défaite à la mairie survenue un an plus tôt, elle avait eu cette réflexion. « Je conserve de cette expérience unique que de bons souvenirs, une grande satisfaction du devoir accompli et avant tout, une grande sérénité. Le regret, les remords et l’amertume ne me pourchassent aucunement. Je savoure de plus en plus une grande liberté. »
Elle s’était également émue du décès du ministre libéral Claude Béchard à l’âge de 41 ans. « La maladie a vaincu celui qui disait “la vie est trop courte, il faut la vivre deboutte” », écrivait-elle. Philosophe et clairvoyante, elle concluait ce premier papier en se répétant que « la santé est la plus grande richesse, mais d’une grande fragilité ».
L’avenir lui a donné tristement raison. Au revoir et merci pour tout Huguette.