29 juin 2023 - 07:00
Une crise du logement alimentée par l’absence de concertation
Par: Sarah-Eve Charland
Une étude dresse un portrait peu reluisant de la situation du logement dans la région. Photothèque | Le Courrier ©

Une étude dresse un portrait peu reluisant de la situation du logement dans la région. Photothèque | Le Courrier ©

Commandé par la MRC des Maskoutains, un état de situation du logement dans la région n’est pas tendre envers la gestion de la crise du logement par la MRC et les municipalités. Les efforts sont fragmentés, brisant ainsi toute vision concertée. L’étude recommande même un moratoire visant à maintenir le parc de logements abordables.

« Les réponses à la crise du logement sont fragmentées; la compétition, la débrouillardise et l’improvisation dominent sans que se pointent à l’horizon des solutions durables et concertées malgré les ressources actuellement disponibles et les efforts louables d’Habitations Maska en collaboration avec la ville-centre », peut-on lire dans le document obtenu auprès de la MRC par la Loi sur l’accès aux documents d’organismes publics.

La MRC a commencé les travaux visant à réviser le schéma d’aménagement et de développement du territoire. Saint- Hyacinthe procède aussi à une refonte majeure de ses règlements d’urbanisme. Dans ce contexte, la MRC a donné le mandat au professeur Paul Morin, de l’Université de Sherbrooke, de dresser un état de situation du logement social, communautaire et abordable dans la MRC afin de mettre en lumière les enjeux et des solutions concrètes pour lutter contre la crise du logement.

Le document a confirmé ce que tout le monde croyait : une crise du logement s’est installée durablement sur le territoire de la MRC. Le professeur Paul Morin souligne que la MRC et les municipalités ont tardé à prendre conscience de la crise. Saint-Hyacinthe a perdu plus de logements abordables ces dernières années qu’il s’en est construit, ce qui a exacerbé la crise. En cinq ans, il s’est ainsi perdu 136 logements abordables.

On y rapporte également que la région a un historique de confrontations, de méfiance politique et administrative entre la MRC et la ville-centre. Quant à lui, le milieu communautaire fait état de relations difficiles avec Saint-Hyacinthe. L’exception, c’est Habitations Maska, mais lui seul ne pourra pas régler la problématique, souligne le professeur.

Le rapport recommande donc qu’il y ait un moratoire sur toutes décisions ayant un impact sur le parc immobilier de logements abordables du territoire. L’objectif est de maintenir les logements abordables existants, le temps d’élaborer une politique régionale en habitation et un plan d’action. On suggère de former un groupe de travail regroupant la MRC, la Ville de Saint- Hyacinthe, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est et la CDC des Maskoutains. L’idée de créer un bureau intermunicipal, proposé par Daniel Rondeau et Pier-Alexandre Nadeau-Voynaud dans un mémoire, doit aussi être étudiée, ajoute-t-on.

Une crise du logement pour les travailleurs

On ne parle plus d’une crise du logement pour les plus démunis. Elle a maintenant plusieurs visages et s’étend aux locataires issus de l’immigration, aux aînés, aux femmes et aux jeunes, mais aussi aux travailleurs gagnant entre 30 000 $ et 50 000 $ par année. Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, 23,8 % des ménages locataires de Saint-Hyacinthe consacraient 30 % et plus de leur revenu aux frais de logement. Au niveau de la province, la moyenne est de 18,5 %.

Entre 2021 et 2022, la hausse des loyers à Saint-Hyacinthe a été de 12 %. Le taux d’inoccupation est passé de 1,1 % à 2 %, mais le professeur précise que le logement abordable est noyé dans ces statistiques. Il a défini l’abordabilité dans son rapport comme la capacité de payer des ménages. Les logements disponibles sont souvent à 1000 $ et plus par mois.

Cela amène donc des enjeux pour les industries et les commerces de la région qui peinent à attirer de la main-d’œuvre. Notamment, les entreprises achètent des maisons pour abriter des dizaines de travailleurs et un courtier immobilier s’est même spécialisé dans ce genre de transaction.

Point positif au tableau : la proportion de logements sociaux dans la région. En Montérégie-Est, la MRC des Maskoutains a le ratio le plus élevé de logements sociaux par 1000 habitants.

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