4 avril 2024 - 03:00
En raison de son absence pour le tournage
Une participante de Survivor Québec congédiée par le Centre de services scolaire
Par: Sarah-Eve Charland
Deborah De Braekeleer s’est absentée de son poste d’enseignante pour relever le défi de l’émission Survivor Québec. Photo gracieuseté

Deborah De Braekeleer s’est absentée de son poste d’enseignante pour relever le défi de l’émission Survivor Québec. Photo gracieuseté

Les collègues de Mme Deborah à l’école Saint-Thomas-d’Aquin manifestent leur mécontentement à l’égard de la décision du Centre de services scolaire en portant un chandail spécial. Photo gracieuseté

Les collègues de Mme Deborah à l’école Saint-Thomas-d’Aquin manifestent leur mécontentement à l’égard de la décision du Centre de services scolaire en portant un chandail spécial. Photo gracieuseté

Après avoir affronté des insectes, des épreuves physiques et mentales et des conditions de survie extrêmes, la Maskoutaine Deborah De Braekeleer n’aura pas survécu au sort que lui réservait le Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe (CSSSH). L’organisation l’a congédiée pour avoir pris un congé sans solde afin de participer à l’émission Survivor Québec.

C’était son rêve. L’enseignante de l’école Saint-Thomas-d’Aquin a été sélectionnée pour faire partie des 20 candidats de la deuxième saison de la populaire émission diffusée à Noovo. Sa participation a été annoncée publiquement le 7 février. À ce moment, elle était déjà en chemin vers les Philipines, mais elle préparait son départ depuis déjà quelque temps.

En novembre, le service des ressources humaines du CSSSH a refusé son congé sans solde même si la direction de l’école était en accord. Mme De Braekeleer avait même trouvé deux remplaçantes légalement qualifiées, qui ne faisaient pas partie de la liste des suppléants, pour s’occuper de sa classe pendant son absence. Malgré le refus du CSSSH, elle a décidé de vivre son rêve.

Le 26 mars, les administrateurs du CSSSH ont débattu, puis voté à huis clos le sort de Mme De Braekeleer, qui enseignait pour le CSSSH depuis 11 ans, lors de la dernière séance du conseil d’administration. Le résultat : sept en faveur du congédiement contre cinq.

Lié à des obligations de confidentialité, le CSSSH n’est pas autorisé à commenter sur la place publique les dossiers de ressources humaines, souligne la porte-parole du CSSSH, Esther Charrette. « Comme employeur, le CSSSH est tenu à appliquer les modalités de la convention collective qui le lie à la partie syndicale et ses membres », ajoute-t-elle.

« Le CSSSH a purement appliqué la convention collective, même s’il aurait pu accorder un congé, réplique le président du Syndicat de l’enseignement Val-Maska, Patrick Théroux. Mais tout congé autre que pour des raisons médicales est refusé, de façon systématique. Ça fait longtemps qu’on déplore le manque de flexibilité du CSSSH. Les gens sont outrés. Deborah n’a aucune tache à son dossier. Elle a tout planifié. Le cas par cas, c’est quelque chose de faisable, selon moi. »

Selon la convention collective, lorsqu’un employé ne se présente pas au travail, sans raison valable, pendant près de 10 jours, il s’agit d’une rupture de contrat. Toutefois, M. Théroux estime que la décision revient à l’employeur.

« Il n’y a pas eu de bris de service pour les élèves. Le CSSSH aurait pu accorder un congé. Si ça avait été le cas, on n’en serait pas là aujourd’hui. Encore une fois, le CSSSH donne une mauvaise image de lui-même. Le mot circule, si vous travaillez à Saint-Hyacinthe, vous ne pourrez pas vous accomplir sur le plan personnel. »

Vision pédagogique

« Deborah aurait accepté une sanction, qu’elle soit monétaire ou non, mais c’est beaucoup trop sévère [le congédiement], affirme la colocataire de la participante, Véronique Huvelle, elle-même une ancienne enseignante. Deborah a vécu une expérience personnelle qu’elle aurait voulu partager avec les enfants. Elle n’a pas commis un crime. À l’automne, ils [le CSSSH] ont évoqué la pénurie de main-d’œuvre pour refuser son congé, mais là, quand elle peut revenir, on balaie de la main la pénurie. C’est inadmissible. Ça n’a aucune logique. »

La décision est encore plus crève-cœur lorsqu’on voit la publication sur les réseaux sociaux du Collège de Montréal qui a plutôt choisi de publiciser la participation de l’une de ses enseignantes à l’émission Survivor Québec.

« C’est une expérience qui met de l’avant le dépassement de soi et la persévérance. Au lieu de miser sur cette expérience, le CSSSH a choisi de briser une équipe pédagogique. Deborah prévoyait d’utiliser son expérience comme outil pédagogique. Elle avait même fait une vidéo pour expliquer à ses élèves les raisons de son absence et comment elle allait intégrer cela dans les apprentissages », poursuit Mme Huvelle.

À la diffusion de la première émission le 2 avril, tous les candidats étaient de retour au Québec. Afin de respecter son contrat avec l’émission, Mme De Braekeleer préfère ne pas commenter la nouvelle. Pour le moment, on ne sait pas qui prendra la responsabilité de sa classe la semaine prochaine.

Tollé dans l’école

La nouvelle du congédiement a créé un soulèvement dans le milieu scolaire. Des employés de l’école ont arboré un chandail en appui à leur collègue cette semaine. Ils comptent le faire au moins une fois par semaine jusqu’à la fin de l’émission. Leur objectif est de forcer le CSSSH à réintégrer l’enseignante en conservant son ancienneté.

Des parents ont aussi envoyé des lettres en soutien. C’est le cas d’Emmanuelle St-Jean, dont deux de ses enfants ont eu Mme De Braekeleer comme enseignante.

« Je peux sans hésiter mentionner la chance exceptionnelle, voire même le privilège qu’ont eu mes garçons d’avoir cette femme exceptionnelle comme enseignante en troisième année. Mme Deborah est une enseignante comme il se fait plutôt rare. Elle fait preuve de dynamisme, de créativité. Elle motive les enfants, s’investit grandement auprès d’eux et donne envie aux enfants d’aller à l’école. […] Je comprends qu’en tant qu’employeur, le CSSSH doit exercer un certain devoir d’équité envers tous les enseignants qu’il représente, mais j’ai l’impression que la sanction a été très sévère. Non seulement on la sanctionne, mais on sanctionne surtout nos enfants. Dans un contexte de pénurie d’enseignants, je parviens difficilement à donner du sens à cette décision », partage Mme St-Jean.

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