14 septembre 2023 - 07:00
Une première critique pour le projet de Cinéma Maska
Par: Maxime Prévost Durand
Jean Colbert, l’ancien propriétaire du Cinéma Saint-Hyacinthe, juge « trop ambitieux » le projet de Cinéma Maska et remet en question l’appui financier d’un demi-million de dollars sur cinq ans annoncé par la Ville de Saint-Hyacinthe pour le soutenir. Photothèque | Le Courrier ©

Jean Colbert, l’ancien propriétaire du Cinéma Saint-Hyacinthe, juge « trop ambitieux » le projet de Cinéma Maska et remet en question l’appui financier d’un demi-million de dollars sur cinq ans annoncé par la Ville de Saint-Hyacinthe pour le soutenir. Photothèque | Le Courrier ©

Après avoir reçu l’appui de la Ville de Saint-Hyacinthe pour faire avancer son projet, Cinéma Maska fait face à un premier écueil. L’ancien propriétaire du Cinéma Saint-Hyacinthe, Jean Colbert, exprime publiquement ses réserves quant à la faisabilité du projet citoyen et estime « injuste » l’aide financière de 500 000 $, étalée sur cinq ans, qui sera octroyée à l’organisme à but non lucratif.

« Dans une ville comme Saint-Hyacinthe, comme dans des villes comme Joliette, Saint-Jérôme ou Valleyfield, ce n’est pas un endroit pour avoir deux cinémas », clame M. Colbert dans l’une de ses premières sorties publiques depuis qu’il a vendu le Cinéma Saint-Hyacinthe en 2020.

Celui qui a œuvré dans le monde du cinéma pendant plus de 40 ans a d’abord exprimé sa pensée dans une lettre ouverte (publiée en page 11) avant de l’approfondir en entrevue au COURRIER.

L’annonce d’une aide financière pouvant atteindre jusqu’à 500 000 $ sur cinq ans pour ce projet, selon différentes conditions établies dans le cadre d’une entente spécifique visant à supporter Cinéma Maska, l’a abasourdi, et ce, même s’il n’est plus le propriétaire du Cinéma Saint-Hyacinthe.

« Ça m’interpelle parce que, quand j’ai construit le cinéma [aux Galeries St-Hyacinthe] en 1997, on n’a eu aucune subvention et on l’a fait quand même. [En 2017, avant la vente du cinéma au groupe RGFM], on a rénové entièrement le cinéma pour en faire l’un des plus beaux au Québec et on n’a jamais eu de subvention. Je ne vois pas pourquoi la Ville donnerait à Cinéma Maska 500 000 $ sur cinq ans. Je ne comprends vraiment pas. »

Y voit-il un investissement déloyal de la part de la Ville? « Premièrement, c’est un peu injuste, répond-il, puis Cinéma Maska ne pourrait pas survivre. »

Rappelons que le projet de l’OBNL Cinéma Maska, le CinéMaska, est estimé à environ 4,1 millions de dollars et comprendrait trois salles de projection, soit une dédiée au cinéma québécois, une aux classiques du monde entier et une aux documentaires et aux courts métrages. Une salle de type cabaret et un café bistro seraient aussi aménagés.

« Notre projet est de faire revivre le Théâtre Maska qui a été laissé à l’abandon pendant plusieurs années, de redonner les salles aux citoyens, disait récemment Claude Gagnon, qui agit comme président du conseil d’administration formé pour le CinéMaska. On veut faire un projet communautaire dans lequel on va se servir du cinéma pour discuter de plusieurs projets de société et de questions qui intéressent les gens. On va présenter du cinéma d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui, et aller bien au-delà du cinéma. »

Jean Colbert ne croit toutefois pas à la pérennité d’un tel projet. « C’est trop ambitieux, surtout dans une ville où il y a déjà un autre cinéma », poursuit-il.

Même si le CinéMaska n’a jamais été présenté comme un éventuel concurrent du Cinéma Saint-Hyacinthe, l’homme d’affaires croit que le futur cinéma du centre-ville n’aura d’autre choix que de déroger de ses prétentions pour être viable. « Les premiers temps, il n’y aura pas de rivalité, mais à un moment donné, quand ils vont voir que le cinéma ne fonctionne pas, il va falloir qu’ils aillent chercher des films qui fonctionnent, donc ils devront aller chez les distributeurs pour trouver des primeurs », projette-t-il.

L’idée de redonner vie au Cinéma Maska survient par ailleurs dans une période de précarité pour les salles du Québec, qui tentent toujours de se remettre des effets de la pandémie et des répercussions des plateformes de diffusion en continu.

« Quand le cinéma va être ouvert, il va y avoir des gens qui vont y aller, mais pas suffisamment pour rentabiliser le cinéma, plaide M. Colbert. Quand on pense aux frais fixes et aux infrastructures, c’est impossible. J’ai eu les cinémas à Saint-Hyacinthe, à Beloeil et à Boucherville et ça coûte tellement cher en frais d’exploitation qu’à la fin de l’année, il ne reste pas grand-chose. Dans le cas du CinéMaska, je pense que c’est impossible de faire leurs frais. »

« Je trouve ça dommage pour Claude [Gagnon, l’instigateur du CinéMaska], ajoute-t-il. Il peut avoir d’autres projets, il est bon en distribution, en production et pour faire des films, mais je pense qu’il se lance dans quelque chose qui est vraiment à l’extérieur de son domaine [avec ce projet]. »

Jean Colbert est par ailleurs le dernier à avoir fait jouer des films à l’endroit où Cinéma Maska souhaite donner vie à son projet. Le Cinéma Maska – c’était déjà son nom à l’époque après avoir porté l’appellation Théâtre Maska – est le premier cinéma qu’il a possédé. Il en avait fait l’acquisition en 1980 avant de le vendre cinq ans plus tard à un groupe qui voulait transformer l’endroit en salle de spectacle. À ce moment, il avait acheté le Cinéma Paris, qu’il a opéré jusqu’à la construction du Cinéma Saint-Hyacinthe.

LE PROPRIÉTAIRE DU CINÉMA SAINT-HYACINTHE PRUDENT

Du côté des propriétaires actuels du Cinéma Saint-Hyacinthe, l’opinion est moins tranchante que celle de Jean Colbert sur le sujet.

Guillaume Venne, qui est président des cinémas RGFM avec son frère Frédéric, a même été aux premières loges de la naissance du projet de Cinéma Maska, mais il a pris ses distances depuis. « Claude Gagnon m’a approché il y a environ 2 ans pour nous informer du projet et il m’a demandé d’assister à certaines rencontres au début, ce que j’ai fait, raconte M. Venne en entrevue au COURRIER. J’ai toujours prôné la culture dans un contexte complémentaire et non dans un contexte concurrentiel. La situation a toutefois évolué avec les années et, malheureusement, les salles de cinéma ont connu des défis plus grands que l’on ne l’aurait souhaité. Ça fait trois ans qu’on est en situation de récupération. Ces enjeux-là ont fait en sorte que j’ai dû annoncer à Claude que je devais me retirer de mon implication dans Cinéma Maska. Ça s’est fait il y a quelques semaines. »

Questionné à savoir s’il est favorable au projet CinéMaska, le propriétaire du Cinéma Saint-Hyacinthe a préféré user de prudence et limiter ses commentaires pour l’instant. Même chose lorsqu’on évoque l’appui financier annoncé par la Ville de Saint-Hyacinthe.

« Je n’ai pas encore communiqué avec les gens de la Ville de Saint-Hyacinthe. Ce que j’aimerais, avant de faire des déclarations, c’est de discuter avec toutes les parties, a indiqué Guillaume Venne. Mon but à moi est d’avoir mon entreprise qui fonctionne bien dans un contexte où tout le monde pourra y trouver son compte. »

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