Marcel Blouin se souvient avoir été captivé par le travail de Christian Messier alors qu’il faisait partie du jury dans le cadre du processus d’acquisition d’œuvres d’art du Cégep de Saint-Hyacinthe.
« Une de ses œuvres a été retenue lors de la dernière acquisition d’œuvres du Cégep, et ça m’a donné le goût de présenter de la peinture à Expression, raconte le directeur général du centre d’exposition de Saint-Hyacinthe. À partir de là, on s’est écrit pour savoir si c’était possible pour lui de présenter une exposition complète chez nous. »
À travers la série d’œuvres qu’il présente dans La vallée de l’étrange,Christian Messier s’intéresse particulièrement à la notion d’inquiétante étrangeté. On y voit des personnages, des êtres humains ancrés dans des scènes réalistes, mais dont les traits déformés et les défauts exagérés créent une sensation à la limite de l’inconfortable et du comique.
« On a l’impression que c’est familier, mais ça a l’air de vouloir tourner vers quelque chose de plus bizarre », explique l’artiste en parlant du concept qui motive sa démarche.
Chaque toile du corpus principal présenté à Expression est issue de collages d’images dont il a ensuite peint le résultat. À partir d’une banque de plus de 2000 images qu’il a sélectionnées, l’artiste s’est servi de l’intelligence artificielle pour générer les collages qui ont mené à ces œuvres. « Je n’ai pas nécessairement de discours [sur l’intelligence artificielle]. C’est juste que j’ai vu le potentiel des images pour créer de l’inquiétante étrangeté », mentionne-t-il.
« Au début, je me demandais : si je fais faire les images, est-ce que c’est encore moi qui crée? Mais en fait, les tableaux qui sont là, j’ai tout simplement fait la même chose qu’avant avec des images que je prenais dans des livres et dans des revues. J’ai généré énormément d’images, je me suis fait une banque, puis avec des morceaux, je prenais certains personnages et je faisais des assemblages. J’essayais de trouver des relations entre les différentes images. Pour moi, ça revient au même que ce que je faisais avant, sauf que les images sont encore beaucoup plus étranges. »
On peut d’ailleurs constater l’évolution de sa pratique dans le cadre de cette exposition. Si le corpus principal que l’on voit dans la salle à l’avant regroupe ses œuvres les plus récentes, des collages réalisés au tout début de sa carrière artistique sont également exposés un peu plus loin. D’autres toiles qui retracent l’évolution de sa démarche artistique concluent l’exposition, en plus d’une œuvre vidéographique qui reprend des images qui ont inspiré ses plus récentes toiles.
À chacun son sens
Avec ses œuvres, Christian Messier laisse toute la place au visiteur pour qu’il puisse créer sa propre interprétation de ce qu’il voit. « J’essaie d’enlever le plus d’indices possible qui pourraient amener les gens à y trouver une signification. Je ne veux pas qu’il y ait de sens prédéterminé. Mon intention, en fait, est qu’on ne sente pas qu’il y ait d’intention. Je tiens à ce qu’on ne regarde pas les tableaux en cherchant à comprendre. Ce que j’essaie de faire, c’est que le sens soit ouvert, que les gens puissent déterminer le sens qu’eux-mêmes vont construire », affirme-t-il.
« L’œuvre, ce n’est pas juste le tableau. C’est la relation entre le tableau et la personne qui le regarde, poursuit-il. Le tableau reste toujours pareil, mais la personne qui le regarde est tout le temps différente. Tout le monde a son vécu, certains sont des spécialistes de l’art et d’autres n’ont jamais vu d’art contemporain, mais ça ne veut pas dire que le sens qui est construit dans l’action de regarder le tableau doit être le même. Si je laisse ça ouvert, le sens va se construire peu importe qui le regarde et c’est ce que je trouve intéressant. Ce n’est pas le tableau qui construit le sens, c’est la personne qui le regarde. »