Lors de ces 36 années au service du centre de thérapie de Saint-Hyacinthe, elle en aura passé 20 en tant que directrice générale. « Je me sens bien! C’est une décision réfléchie, mais cela dit, c’est quand même un deuil, car j’étais là au tout premier jour de l’existence de la Maison », explique Mme Desrosiers. Pour elle, le plus difficile sera de quitter des personnes avec qui elle travaille depuis longtemps.
Manon Desrosiers avait commencé son implication grâce à des amis. Ce sont eux qui, au départ, ont créé la Maison l’Alcôve. Elle a fait beaucoup de bénévolat, comme du travail ménager, de la cuisine et aussi du gardiennage. Rapidement, on lui a confié des tâches plus administratives.
Mme Desrosiers possédait une formation en administration et elle avait aussi un ordinateur à son domicile, ce que n’avait pas l’Alcôve à ses débuts. Elle a rapidement rédigé des lettres, des demandes de subventions et des demandes de dons. Ayant son propre bureau de tenue de livres, elle a rapidement dû laisser tomber des clients, car l’organisme grossissait et en demandait toujours plus. Elle a finalement décidé d’aller y travailler à temps plein. À la mort de son prédécesseur, Gérald Ouellet, elle avait suffisamment gagné la confiance de ses pairs pour aspirer au poste de directrice générale.
Après 36 ans, Manon Desrosiers n’a jamais pensé à quitter la ressource qui vient en aide à des personnes aux prises avec des problèmes de dépendances. « Foncièrement, chez moi, aider mon prochain fait partie de mon ADN », raconte-t-elle.
Plus jeune, elle a déjà souffert de problèmes de consommation, raison pour laquelle elle se sentait interpellée par la cause de la Maison l’Alcôve. « Tant qu’à être près d’une cause, aussi bien m’impliquer auprès de celle que je connais le mieux », ajoute-t-elle. Pour elle, aider les personnes qui ont des problèmes de consommation, c’est peut-être moins sympathique aux yeux du public, mais c’est une mission essentielle.
La Maison au cours des années
La maison l’Alcôve a été créée en 1985 par des gens qui vivaient eux-mêmes des problèmes de consommation d’alcool. Au départ, l’organisme logeait où se situe présentement l’Auberge du cœur Le Baluchon. Il y avait une maison pour les hommes et, plus tard, une maison pour les femmes.
En 1996, l’organisme fait l’acquisition du 5000, boulevard Laurier Ouest qui permet de réunir les deux maisons et d’obtenir une administration centralisée afin de mieux répondre aux besoins de la clientèle.
Dans les années 1980, l’alcool était le principal problème que les gens connaissaient. Au fil des années, la société a changé, amenant aussi les problèmes de consommation à évoluer. Les drogues sont arrivées, le jeu aussi et, aujourd’hui, on parle de dépendance aux nouvelles technologies.
Très rapidement, le centre a dû se perfectionner pour offrir des thérapies aux gens qui fréquentaient l’endroit. En 2002, il devient le premier centre en Montérégie à obtenir du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec un Certificat de conformité attestant le respect des normes définies dans le cadre normatif établi. « On a créé une thérapie qui va permettre aux gens de reprendre le contrôle de leur vie. Voilà comme est née la thérapie à la Maison l’Alcôve, indique Manon Desrosiers. On a des connaissances aujourd’hui qu’on n’avait pas dans le temps, et ç’a changé notre façon de faire. »
Une ressource communautaire comme la Maison l’Alcôve est toujours en quête de financement. Le centre de traitement des dépendances est une ressource à « court terme ». Il doit donc faire payer les pensionnaires pour survivre et continuer d’offrir ses services. « Nous avons beaucoup plus de personnes sur le plancher qu’une ressource à long terme. Nous n’avons donc pas le choix d’imposer des frais aux occupants même si cela ne nous plaît pas », signifie Manon Desrosiers. Elle aimerait pouvoir offrir les services gratuitement, mais pour cela, il faudrait que le gouvernement donne plus de subventions aux organismes communautaires.
De plus, la pandémie a un grand impact sur l’organisme. L’Alcôve a dû diminuer le nombre de pensionnaires de 16 à 12, allongeant ainsi les listes d’attente alors que le volume d’appels et de demandes reçues indique qu’il y a beaucoup plus de détresse vécue par la population depuis le début de la pandémie. « À l’interne, on ne pouvait pas faire grand-chose à part des suivis téléphoniques plus serrés », explique la directrice générale. De plus, le manque de main-d’œuvre a rapidement rattrapé le centre. Plusieurs intervenants avaient un certain âge et sont partis à la retraite.
Un avenir florissant
Manon Desrosiers souhaite que la Maison l’Alcôve accueille plus de personnes dans l’avenir. Avec une capacité maximale de 16 pensionnaires, l’organisme aimerait voir ce chiffre grimper jusqu’à 28. Pour y arriver, il compte utiliser le troisième étage de son bâtiment, qui sert principalement à des groupes pour le moment. Dans la nouvelle structure, cet étage accueillerait en hébergement les personnes ayant des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie.
De plus, Manon Desrosiers laisse sur la table un nouveau projet de bâtiment sur le terrain voisin. Elle aimerait voir ce bâtiment lever de terre d’ici cinq ans pour y transférer les dépendances comportementales ensemble en hébergement. « C’est difficile de mélanger les deux types de dépendances. Le traitement n’est pas le même. En toxicomanie, on peut parler d’abstinence totale, mais dans le monde d’aujourd’hui, on ne peut que restreindre le temps d’écran par exemple », raconte Mme Desrosiers.
Avec tous ces projets dans les cartons, Manon Desrosiers souhaite à son successeur qu’il ait autant de plaisir qu’elle en a eu à diriger la Maison l’Alcôve durant ces 20 dernières années.