9 janvier 2014 - 00:00
Une vision, une odeur
Par: Martin Bourassa

Il m’arrive assez régulièrement d’avoir des visions et de prédire l’avenir, même quelques années à l’avance. Sans vouloir me vanter, j’ai encore frappé dans le mille avec l’usine Veolia de Saint-Hyacinthe.

Et sachez que j’aurais préféré me tromper quand j’avais invité les autorités municipales à ne pas se laisser distraire ou aveugler par la hauteur des investissements (43 M$) et des retombées annoncées par l’aménagement d’un centre de régénération des huiles usées à Saint-Hyacinthe.Dans mon éditorial du 7 octobre 2010, j’écrivais ceci : « J’ose espérer que la Ville de Saint-Hyacinthe a retenu les leçons du gaz de schiste et qu’elle sait exactement dans quoi elle s’embarque avec Veolia. Car dans la population, on nage encore en plein mystère. Personne ne sait trop ce que ça mange en hiver un centre de régénération des huiles usées. Est-ce dangereux? Comment se fait l’entreposage? Le transbordement? Y aura-t-il des rejets? De la pollution sonore ou des odeurs désagréables? Que de questions sans réponse! L’élémentaire prudence vu les dérapages que l’on a connu et que l’on connaît encore avec le gaz de roche serait de s’assurer que cette implantation industrielle se fasse dans l’harmonie et surtout dans la transparence la plus totale. »Vous vous en doutez, cet éditorial avait été plutôt mal reçu. Certains m’avaient accusé d’être une fois de plus alarmiste et de cracher sur un investissement industriel privé pouvant créer des dizaines d’emplois. Du côté de Veolia, cet éditorial nous avait valu un courriel fret, net sec d’une ligne de la part de Langis Gamache, vice-président senior, Est du Canada pour Veolia ES Canada Services industriels : « Suite à vos derniers articles dans votre journal, en particulier la photo et l’éditorial, je ne commenterai plus avec vous notre projet. Cordialement! » Et M. Gamache a tenu promesse.Si bien qu’il n’y a eu aucune pelletée de terre, aucune séance d’information pour renseigner la population sur les tenants et les aboutissants du projet, ni aucune inauguration ou portes ouvertes quand l’usine est devenue opérationnelle il y a quelques semaines à peine. Seulement de la grosse fumée opaque et des odeurs.Des odeurs qui incommodent le voisinage et des quartiers tout entiers, selon la direction et la force des vents. Tant et si bien que des plaintes ont été déposées à la Ville, puis relayées au ministère de l’Environnement. Après investigation, le Ministère a confirmé que des travaux correctifs allaient être apportés à cette installation pourtant flambant neuve. Et toujours pas une once d’explications du côté de Veolia. Disons qu’on s’attendrait à beaucoup mieux de la part de cette entreprise qui semble peu soucieuse de son image de marque.Si Veolia est dans son droit de bouder les médias, et du même coup le grand public, il en va tout autrement des autorités municipales de la Ville de Saint-Hyacinthe.C’est la Ville qui a autorisé cette implantation à proximité du parc Les Salines, son poumon vert, et c’est elle qui doit maintenant répondre aux citoyens incommodés par les odeurs. Désolé, mais la ville ne peut pas s’en laver les mains et prétendre que le tout relève désormais du ministère de l’Environnement. Et le respect des normes en vigueur est une bien mince ligne de défense si cela permet d’empester tout un quartier à longueur d’année. Pour l’instant, et j’espère que cela se résorbera, Veolia n’enveloppe pas la Ville d’une douce odeur de chocolat. Loin de là. Et j’espère pour les entreprises et les citoyens situés à proximité que la plate-forme de maturation du digestat aménagée au centre de réception et de traitement des matières organiques de l’avenue Émilien-Letarte ne viendra pas en rajouter une couche dans un avenir rapproché.Il faudra maintenant voir quelle sera la situation une fois que les correctifs chez Veolia auront été apportés et l’impact environnemental de l’usine sur une année complète d’opération. J’espère pour notre bien à tous que la situation se résorbera.Il est tout de même permis de se demander si nos élus avaient bien fait leurs devoirs en 2010 ou s’étaient-ils laissé distraire par l’écran de fumée provoqué par les millions de Veolia? La question est toujours brûlante d’actualité.

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