« Nous sommes très déçus du dénouement. Nous aurions espéré que Dutailier puisse continuer d’opérer à Saint-Pie », a déclaré Manon Castonguay, représentante syndicale de la section locale 9515 du Syndicat des métallos. Le syndicat représente 70 des 105 employés, excluant ceux travaillant dans les bureaux. Mme Castonguay mentionne que l’employeur mettra sur pied un comité de reclassement et que le syndicat demandera de s’impliquer dans celui-ci. Toutefois, aucune mesure spécifique n’est prévue pour les employés qui étaient à l’aube de la retraite.
Les employés étaient tous de retour au travail le lundi 8 mai après avoir eu un congé payé à la suite de l’annonce le 3 mai en après-midi. Pendant ce temps, des rencontres individuelles se sont tenues pour leur donner plus de détails le 4 mai.
Karine Guilbault, directrice générale de Saint-Hyacinthe Technopole, semble déjà tournée vers l’avenir. « Notre objectif, c’est d’essayer de trouver une entreprise qui a des besoins, car on a très peu d’espaces industriels disponibles sur le territoire de la MRC des Maskoutains. […] Pour ce qui est des employés, il y a évidemment un comité de replacement mis en place, […] donc on a confiance, avec la situation de la main-d’œuvre actuelle, que les gens vont pouvoir se relocaliser dans de nouvelles entreprises assez rapidement » a-t-elle affirmé.
Mme Guilbault assure que tout le soutien nécessaire sera apporté aux employés de Dutailier pour cette prochaine étape.
Une communauté ébranlée
À Saint-Pie, tous les gens rencontrés par LE COURRIER s’expliquent mal qu’aucun acheteur potentiel n’ait été trouvé. Certains ont fait référence à la vente de l’autre entreprise de meubles de Saint-Pie, Groupe Lacasse, à l’entreprise américaine Haworth en 2000. Rappelons que Lacasse a ensuite été rachetée en 2012 par son fondateur Guy Lacasse, son fils Robin et des intérêts québécois.
« Si Lacasse vient à fermer, nous allons devenir un village fantôme », a lancé un résident de Saint-Pie croisé dans un commerce de proximité. « Dutailier, c’est une entreprise importante pour faire rouler l’économie. Il faudrait peut-être que les élus regardent s’il n’y a pas un moyen de faire survivre cette industrie », a-t-il ajouté.
Au petit dépanneur situé à proximité de Dutailier, on craint aussi que l’achalandage soit réduit dans le commerce, car une bonne proportion des clients sont des employés de Dutailier.
Un autre citoyen se disait pour sa part plus optimiste. « Il y a assez d’hommes d’affaires dans la région pour en trouver un qui pourrait sauver Dutailier. Qui sait si ça ne se fera pas après la fermeture? »
Que de bons souvenirs chez Dutailier
Marie-Christine Jodoin a travaillé pour Dutailier pendant 13 ans, soit de 1999 à 2012, dans les bureaux et a quitté son emploi de son propre chef.
Elle ne garde que de bons souvenirs de ses années passées au sein de l’entreprise et se dit bien attristée par la fermeture de ce fleuron québécois et spécialement pour les employés à qui elle ne souhaite que du bien. « C’était une entreprise très axée sur la famille. Il y avait chaque année un dépouillement d’arbre de Noël pour les enfants et un barbecue à l’aube des vacances de la construction. Je me suis beaucoup développée professionnellement là-bas. Dutailier a contribué à celle que je suis maintenant », a-t-elle mentionné au COURRIER.
Pour sa part, Robert Lussier a été mis à pied par la famille Fontaine il y a une quinzaine d’années alors qu’il travaillait pour Dutailier depuis 25 ans et était devenu en moins d’un an chef d’équipe. Il n’est pas surpris de la fermeture. « M. Fontaine avait été très généreux en nous donnant une indemnité de départ. Nous étions très bien traités. Dutailier, c’est comme une famille. J’ai vu l’entreprise grossir. Il y a déjà eu 500 employés, cinq usines et un revenu annuel de 100 M$, mais quand les Chinois sont arrivés au Canada et aux États-Unis avec leurs produits de moindre qualité, mais pas chers, ça a fait mal. Ce sont actuellement des temps très difficiles », a affirmé au COURRIER celui qui garde toujours contact avec la famille Fontaine.
Sur les réseaux sociaux, une publication du COURRIER a fait réagir de nombreux employés de Dutailier, tant actuels que passés. En voici un aperçu.
Denise Jacques, employée à la fin des années 1980, se souvient de son expérience de travail auprès de la famille Fontaine. « Lorsque j’ai appris que Dutailier allait fermer ses portes, je me suis souvenue de tout le travail effectué par une équipe dynamique […]. Une équipe de perfectionnistes afin de livrer un produit de grande qualité! », a-t-elle exprimé.
Lucie Langlois, employée depuis 1990, estime que les employés actuels comprennent bien la situation malgré la peine qu’ils peuvent ressentir. « Travailler pour la famille Fontaine aura été une grande partie de ma vie. Ce sont des employeurs très humains et transparents », a-t-elle témoigné.
